Le vote massif des éducatrices des garderies familiales contre le projet de loi 124, par voie de référendum, n'empêchera pas la ministre de la Famille, Carole Théberge, d'aller de l'avant avec sa réforme.
Le projet de loi a d'ailleurs franchi l'étape de l'adoption de principe, mardi soir, avec un vote de 59 parlementaires en faveur, 40 contre et aucune abstention.
Pas moins de 86 pour cent des responsables de services de garde en milieu familial qui se sont prononcées ont voté contre le projet de loi 124, dans le cadre d'un référendum tenu dimanche et lundi et parrainé par l'Association québécoise des centres de la petite enfance (AQCPE), qui s'oppose farouchement au projet de loi.
Au total, 8616 des 14 200 éducatrices, soit 61 pour cent, ont participé à cette consultation organisée en catastrophe.
"Madame la ministre doit entendre le message qui est lancé aujourd'hui", a déclaré la présidente de l'AQCPE, Hélène Potvin, lors d'un point de presse tenu dans un CPE de Québec, mardi.
Cependant, la ministre Théberge, de même que l'Association rivale de l'AQCPE, l'Association des éducatrices en milieu familial, n'ont pas tardé à discréditer l'exercice.
Mme Théberge a remis en question la façon dont cette consultation a été menée. D'ailleurs, avant même la tenue du référendum, Mme Théberge avait pris ses distances et indiqué que les résultats de la consultation n'auraient aucun impact sur la réforme en cours.
Selon elle, le processus a été entaché d'irrégularités. Certaines responsables n'auraient pas été invitées à se prononcer, selon ses informations, tandis que d'autres auraient reçu deux bulletins de vote.
De son côté, la directrice générale de l'Association des éducatrices en milieu familial, Nathalie D'Amours, qui défend le projet de loi et représente quelque 3000 membres, estime que les "dés sont pipés" en faveur de l'AQCPE, qui cherche par tous les moyens à faire reculer la ministre Théberge.
"On conteste la légitimité même du référendum, parce que l'AQCPE est la seule à avoir la liste des 14 200 éducatrices. C'est chaque CPE qui décide de l'information qui se rend aux éducatrices en milieu familial. On leur donne juste un point de vue des choses, juste une explication. Ca ne peut pas être légitime comme processus", a déclaré Mme D'Amours, en entrevue téléphonique.
"On avait fixé des règles très strictes", réplique Mme Potvin, même si toute la consultation a été planifiée et tenue en quelques jours seulement. Au total, 2000 personnes "de la communauté", dont des parents, ont rendu le défi possible.
Le porte-parole de l'opposition officielle, Camil Bouchard, croit aussi que l'exercice s'est déroulé "dans les règles de l'art". Selon lui, "ce référendum-là s'est tenu dans un temps record, ça se peut qu'il y ait eu quelques petites anicroches ici et là, je ne suis pas au courant des détails".
A ses yeux, à partir de cette consultation, la ministre "n'est plus légitimée d'invoquer l'insatisfaction des responsables de services de garde en milieu familial pour disloquer, démanteler, démantibuler le réseau de fond en comble".
Mme D'Amours a une fois de plus soutenu que les éducatrices, selon ses informations, sont victimes de désinformation, l'AQCPE répandant des scénarios apocalyptiques si le projet de loi est adopté. Les éducatrices sont en "mode panique", selon elle.
Elle déplore que son organisation n'ait pas été invitée par l'AQCPE à participer à la tenue de cette consultation. "Invitez-nous à les rencontrer. Ensuite, on fera un sondage en bonne et due forme", dit-elle.
L'AQCPE conteste un des volets majeurs du projet de loi, celui qui consiste à retirer aux CPE la garde familiale pour la confier à 130 bureaux coordonnateurs, qui fonctionneront sur une base régionale.
"Le verdict est clair: le modèle des 130 bureaux coordonnateurs n'est pas satisfaisant", conclut pour sa part Mme Potvin du référendum mené auprès des éducatrices.
Pendant ce temps, la ministre Théberge espère toujours faire adopter son projet de loi pratiquement inchangé avant l'ajournement des Fêtes, tandis que l'opposition tient à ce que son étude détaillée soit reportée à plus tard, dans l'espoir que des amendements majeurs puissent y être apportés.
Le projet de loi en est rendu à l'étape de l'étude article par article.