Voici un article de journal qui à été publié quand la discussion sur l'instruction 8 et son engagement de qualité ou offre de service a vu le jour la toute première fois.
http://www.aemfq.com/Documents/LeRegional_GardePDF_24oct08.pdfVoici quelques enjeux de ce contrat...
Les éducatrices en milieu familial
Entre l’arbre
et l’écorce
Suzanne Séguin—Le Régional
Les responsables des services de
garde en milieu familial, des travailleures
autonomes, sont coincées
entre l’arbre et l’écorce, c’est-à-dire
entre leur bureau coordonnateur, géré
par le ministère de la Famille, et l’Association
des éducatrices et éducateurs en
milieu familial du Québec (AÉMFQ).
Que ces éducatrices approuvent ou non
le document ministériel à l’origine d’un
branle-bas de combat entre les partis,
rien ne semble se régler pour autant.
Pour l’heure, on se demande qui en
sortira gagnant. Déjà, des menaces de
sérieux moyens de pression grondent
à l’horizon.
Dans Argenteuil, comme ailleurs au
Québec, si le bureau coordonnateur (BC)
soutient ses membres et les incite à signer
l’entente formulée par le ministère de la
Famille, les liant avec le parent, de l’autre
côté, l’AÉMFQ fait appel à ces mêmes
membres et les somme de refuser toute
signature. L’Association affi rme que les
responsables de services de garde (RSG)
perdront le moindre pouvoir décisionnel
alors que l’autre accuse l’AÉMFQ de faire
de la désinformation, qu’il en va plutôt
du contraire. Le dossier est complexe
et déchirant pour ces femmes souvent
isolées chez elles avec nos enfants dont
elles ont la pleine responsabilité et toute
leur confi ance.
Le ministère de la Famille
Le document au coeur de ce litige
concerne les instructions à propos de l’administration
des subventions octroyées à
une RSG. Ces instructions, données par
la ministre Mme Michelle Courchesne
aux bureaux coordonnateurs, ont pour
but d’établir des directives quant à la
répartition des places subventionnées et
les conditions d’octroi, de paiement, de
maintien, de suspension, de diminution
et de retrait des subventions aux RSG. À
l’intérieur de ces instructions s’insère en
annexe le «Formulaire de demande de
place subventionnées et Engagements»,
soit l’entente qui fait tant jaser.
Le but de l’entente est de donner
aux BC des balises communes et des
directives claires afi n d’assurer le traitement
juste et équitable de toutes les
RSG du Québec. Selon le Ministère,
«l’entente entre le service de garde et le
parent est un contrat et, en cette qualité,
est assujettie aux dispositions de la Loi
sur la protection du consommateur et
aux dispositions de notre loi et de notre
Règlement sur la contribution réduite.
Les contrats utilisés actuellement sont
différents les uns des autres et certains
ne protègent pas suffi samment le parent
ou la RSG. Les confl its qui peuvent en
découler pourront donc être évités grâce
à l’existence de cette entente.»
Des points de vue divergents
Au Centre de la petite enfance (CPE)
Rêve de Caillette, Bureau coordonnateur
pour les services de garde en milieu familial
dans Argenteuil, la directrice générale,
Mme Luce Bouchard, est formelle,
exhortant que le BC est là pour soutenir
les RSG, les aider, les guider. «On ne
comprend pas pourquoi les éducatrices
rejettent l’entente et refusent de la signer,
car la clause grand-père les protège.»
Cette clause garantit que les acquis ne
pourront être touchés. «Les fi lles n’ont
qu’à formuler leur contrat comme elles
l’entendent [on parle ici des heures
d’ouverture, des jours de vacances, etc.]
et le signer avant le 31 octobre.»
De l’autre côté de la clôture, soit
dans la cour de l’AÉMFQ, le discours de
la p.d.g. diffère. «Effectivement il y a une
clause grand-père, mais celle-ci protège
les acquis de l’éducatrice au moment de
la signature ʺseulementʺ», de préciser
Mme Nathalie D’Amours, et c’est ici, selon
elle, que le bât blesse. «Après la signature,
si l’éducatrice souhaite faire une petite
modifi cation, elle ne pourra le faire sans
rouvrir l’entente et espérer l’autorisation
du BC.» Ceci reviendrait à dire que l’on
accorde 0% de pouvoir décisionnel au
travailleur autonome après la signature,
et 100% à l’organisme contrôleur, soit
le BC. La demande de l’AÉMFQ auprès
du Ministère voulant que l’éducatrice ait
une marge décisionnelle raisonnable de
10% a été refusée. «Nous considérons
cela inacceptable lorsqu’un gouvernement
décide de s’enrichir des ressources
humaines à titre de travailleurs autonomes,
et qu’en même temps il les gère pire
qu’en salarié, car lui, au moins, serait
protégé par les normes du travail», grogne
Mme D’Amours.
En clair, l’AÉMFQ est en accord avec
l’idée que les responsables d’un service
de garde soit liées par contrat avec le
Ministère, mais que ce contrat offre un
droit de regard aux deux signataires dans
ce dossier, parce qu’il s’agit de travailleurs
autonomes qui aiment leur liberté d’action,
qui n’ont pas de plafond fi nancier.
«Ce n’est pas un travail de surveillante,
au contraire, d’expliquer Mme D’Amours,
c’est une tâche ardue que d’être éducatrice,
il faut voir au développement de
l’enfant, il faut investir dans la relation
avec lui. Elles les préparent à la vie de
demain.»
Et l’éducatrice, elle ?
Mme Suzie Poirier, responsable d’un
service de garde à Lachute, craint de
perdre ses privilèges de travailleure autonome.
«Il faut comprendre que le milieu
familial n’offre pas le même type de service
qu’en institution [CPE], qu’il est personnalisé,
plus souple. On devra couper
dans ce genre de service. Pas étonnant
que les éducatrices se lèvent! On ne veut
pas être liées à 100% par un contrat d’entente.
» Mme Poirier explique qu’elle a travaillé
fort pour bâtir son service, que les
parents lui font confi ance, qu’elle aime
son travail, mais dans les conditions
proposées par la ministre Courchesne,
c’est la fi n.
—suite en pg. 16
24 OCT. / OCT. 24, 2008 • LE/THE REGIONAL • 35 000 COPIES
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«Imaginez un instant que mon
enfant ait besoin de soins à l’Urgence
et que je doive fermer momentanément.
L’entente entre le Ministère et
mon service stipulera que je devrai
avoir un employé! Je serais alors liée à
lui au titre d’employeur et tout ce que
cela implique fi nancièrement, et cet
employé sur appel sera sûrement assis
dans son salon à attendre mon coup
de fi l!», s’insurge cette responsable en
milieu familial.
«Même chose pour les vacances. Si
l’an prochain je souhaite m’offrir, et à
mes frais, une semaine de plus et que
mon BC refuse, je perdrai alors mes
places subventionnées.» Mme Poirier
précise qu’en ce moment, elle ne vit
aucun confl it avec son bureau coordonnateur,
au contraire, mais que rien dans
l’entente ne vient la protéger contre le
jour où le BC serait moins conciliant
par exemple. «On veut, nous les éducatrices,
que le Ministère signe dans l’entente
qu’il sera souple, mais il refuse.»
Autre exemple. «Dans l’entente, il
sera écrit noir sur blanc que chaque
heure supplémentaire coûtera 5$ au
parent. C’est comme si j’avais cette
promotion écrite dans le front! Je m’entends
bien avec les parents, mais qui me
protège du jour où il y aura de l’abus,
qu’un parent ne trouvera pas pratique
de laisser son enfant au service de garde
un de ces soirs, plutôt que de s’offrir
une petite gardienne pour le même
prix?» L’émotion devenue palpable,
Suzie Poirier ajoute qu’elle travaille déjà
10 heures par jour, qu’en sera-t-il alors?
«Aucune qualité de vie de famille après
le travail, mon mari est découragé...»
conclut-elle des sanglots dans la voix.
Abondant dans le même sens, la
porte-parole des 14 700 éducatrices au
Québec, Nathalie D’Amours, explique
que la toute petite modifi cation, un
jour de congé maladie imprévu, une
soirée de garde de plus à un parent,
l’hospitalisation de son enfant, exposeront
l’éducatrice à la menace du risque
d’expulsion. Le Ministère, par l’entremise
des BC, «veut un engagement de
la part de la travailleure autonome, en
se gardant 100% de latitude de gestion
après la signature. Soit un contrat sans
s’engager eux-mêmes!», reproche-t-elle
en ajoutant : «Et les éducatrices s’inquiéteraient
pour rien?»
Oui, pour rien, selon le bureau
coordonnateur d’Argenteuil. «Qu’y a-t-il
de si grave là-dedans pour qu’on monte
ainsi aux barricades?
On fait un
feu avec une brindille!
» relativise
Mme Bouchard du
BC d’Argenteuil,
rappelant que
l’entente protégera
l’éducatrice,
«que le travail du
BC doit être fait
avec une attitude positive. On va tout
faire pour défendre nos éducatrices,
c’est notre mot d’ordre».
Mme Bouchard illustre son propos
par cet exemple : «Si une RSG souhaite
ouvrir 9h par jour au lieu de 10h tel
qu’il est proposé, nous lui suggérons
d’inscrire tout de suite 10h au contrat
dans le cas où elle souhaiterait dans le
futur changer les heures d’ouverture de
son service, et ce, pour ne pas être pénalisée
par la réouverture de son contrat.»
Selon elle, c’est maintenant ou jamais
le temps d’agir et de signer leur contrat
qui sera respecté ad vitam eternam.
À l’agenda
«Lors d’une récente rencontre avec
le B, les éducatrices sont reparties rassurées,
de rapporter la directrice du
bureau d’Argenteuil. Leur association
leur a fait peur en disant qu’elles s’en
allaient tranquillement vers le privé
demain…» Le 15 octobre a eu lieu une
séance d’information «éclairante», cette
fois appelant les 75 RSG d’Argenteuil
et les représentants du ministère de la
Famille. Par ailleurs, le 25 octobre, soit
six jours avant la date butoir pour la
signature des contrats entre les RSG et
leur bureau coordonnateur, l’AÉMFQ
organise une rencontre importante avec
ses membres. «En
novembre, prévient
Nathalie D’Amours,
ça va brasser!» Des
moyens de pression
seront mis en place.
Refus de signer l’entente
de service,
manifestations organisées,
fermeture du
service de garde ou
son transfert vers le privé en sont quelques
exemples.
Terrain d’entente?
L’AÉMFQ ne rejette pas en totalité
l’entente proposée par le Ministère
qui préserve la garde à 7$. Certes, le
Ministère avait demandé la participation
de l’AÉMFQ dans l’élaboration de
l’entente, ce que ne nie pas la p.d.g. «On
nous a convoqué et informé : ʺContrat
il y aura, avec ou sans vousʺ. Nous
avons travaillé à leur expliquer les réalités
de notre milieu. Ils ont tenu compte
de toutes petites choses, mais sur la
question la plus importante, ils ont
fait la sourde oreille. Il serait odieux
de prétendre que nous endossons de
près ou de loin ce projet.» L’Association
revendique une révision de l’entente en
tenant compte du facteur de l’unicité
de chaque service de garde en milieu
familial.
Des chiffres
En 1997, 87% des enfants fréquentaient
un service de garde en milieu
familial au Québec. D’année en année
ce pourcentage est en chute libre pour
atteindre en 2008, 47%. Selon les propos
rapportés de l’AÉMFQ de l’adjointe
du sous-ministre, «oui le développement
de la garde en milieu familial
est terminé». En 2010, 4 parents sur 10
auront le privilège de choisir une place
à 7$ en milieu familial. Il est clair pour
Mme D’Amours que les services offerts
par les RSG sont appelés à disparaître :
«on est condamnées; le Ministère nous
force à travailler notre transition vers le
privé.»
Il y aura dépôt des instructions, qui
comprennent l’entente de services entre
le RSG et les parents, le 31 janvier 2009.
Si le problème de communication ne
se résorbe pas d’ici là, de nombreuses
éducatrices comptent remettre leur
démission en bloc.
Rappelons qu’Argenteuil compte 75
responsables d’un service de garde pour
un total de 435 places. En installation,
218 places sont ainsi réparties : CPE
Rêve de Caillette : 57 places (5 poupons),
CPE La Puce à l’oreille: 80 places
(10 poupons) et CPE Les Bons amis