Marie-Claude Lortie
La Presse
Pour chaque dollar investi dans le programme de garderies du Québec, les gouvernements encaissent 1,50$ en entrées fiscales.
C'est l'économiste Pierre Fortin qui me l'a appris hier. Il a fait les calculs, et les résultats sont clairs: environ 1$ revient à Québec; le reste va à Ottawa.
«C'est un succès financier monstre pour nos gouvernements», affirme-t-il.
Grâce aux CPE, lancés en 1997, le marché du travail peut en effet maintenant compter sur 70 000 Québécoises de plus qui génèrent toutes sortes de revenus et d'économies pour la société. Ces femmes gagnent de l'argent et paient donc des impôts. Elles doivent aussi acquitter les taxes sur ce qu'elles achètent avec cet argent. Leur participation à l'économie augmente le PIB. Elles coûtent moins cher à l'État puisque leurs revenus de travail diminuent les prestations familiales qu'elles auraient autrement reçues, sans oublier l'assurance sociale.
Bref, ce programme fonctionne d'un point de vue économique, c'est clair. «Magistral», ajoute le professeur d'économie de l'UQAM, un «lucide» connu pour sa défense de la rigueur et du réalisme responsable dans la gestion des finances publiques.
Est-ce que le Canada au complet devrait adopter un tel système, comme le demande le YWCA en cette Journée internationale des femmes? Est-ce que l'inexistence d'un tel programme est un frein au développement économique du Canada? «Oui», répond-il.
Car les femmes qui, grâce à un tel programme, entrent ou restent sur le marché du travail et gagnent ou conservent ainsi une indépendance financière sont un plus, tout simplement.
Un plus pour les employeurs qui cherchent de la main-d'oeuvre. Un plus pour toute la société, qui bénéficie de leur participation aux activités économiques du pays. Un plus pour leur famille.
En effet, pas besoin d'avoir lu toutes les recherches universitaires sur la question pour se douter que le revenu familial est directement lié aux chances d'avenir des enfants. Plus la famille est au-dessus du seuil de pauvreté, meilleures sont les chances d'avoir une éducation porteuse, une alimentation adéquate, un confort décent, une bonne santé, un mode de vie qui n'encourage pas les habitudes néfastes et la criminalité, etc.
Or, selon une autre recherche de M. Fortin dont je vous avais parlé en 2008, le programme de garderies du Québec a permis aux familles pilotées par une mère seule, nombreuses parmi les plus pauvres, d'augmenter leurs revenus de 30% durant les 10 ans qui ont suivi la mise en place du programme.
Doit-on chercher absolument à faire sortir maman de la maison? Évidemment non. La liberté de choix doit primer. Mais le fait est que les garderies aident les familles démunies à s'en sortir. La liberté de choisir de travailler doit donc être encouragée. D'autant plus que les garderies sont souvent des milieux cocons importants pour les enfants issus de familles démunies et des lieux d'intégration intéressants, comme l'école.
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Évidemment, le programme de CPE québécois n'est pas parfait. Il n'y a pas assez de places et d'efficacité dans la gestion de l'allocation des places. Les anecdotes de parents embourbés dans le réseau sont aussi nombreuses que les anomalies administratives qui permettent cette confusion.
Aussi, les services pourraient parfois être améliorés, car certaines lacunes sont constatées pour des questions aussi variées que l'alimentation - et les attitudes encouragées vis-à-vis de la nourriture - ou la qualité du français enseigné aux tout-petits. La rigidité des horaires est aussi souvent décriée.
Mais voilà un nécessaire peaufinage presque normal.
Demandez aux Norvégiens qui ont lancé le premier grand programme de la sorte en 1975, m'a rappelé hier M. Fortin. On ne bâtit pas une telle mini-révolution sociale du jour au lendemain.
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Deux autres éléments doivent aussi être considérés par les politiques fédéraux qui tardent à adopter cette idée d'un vaste programme de garderies.
D'abord, il est illogique d'avoir un système d'éducation universel et totalement égalitaire qui aboutit sur un marché du travail inégalitaire parce que les femmes y sont désavantagées par la maternité. On investit des sommes colossales dans nos écoles, nos collèges, nos universités, pour former des filles aussi compétentes que les garçons. Et est-ce nécessaire de revenir encore aujourd'hui sur leur assiduité, leur application et leurs remarquables performances scolaires? La logique nous impose, pour elles mais aussi pour la société en général, de nous assurer que les connaissances et expertises acquises par ces étudiantes trouvent ensuite leur expression dans la collectivité.
Évidemment, ce ne sont pas toutes les femmes qui tiennent à travailler à l'extérieur de la maison et certaines veulent y rester pour élever leurs enfants. Adopter un programme de garderies ne les empêcherait en rien de le faire. On pourrait même pousser l'audace pour trouver une forme de compensation financière pour ces mères, de la même façon que le Québec a aussi cherché et trouvé une formule fiscale pour les familles qui préfèrent embaucher une gardienne à la maison.
La dernière chose à ne pas oublier, c'est l'impact direct du programme sur la qualité de vie nationale. Car un salaire, c'est déjà très bien. Mais être libre de faire le choix qu'on veut? Se sentir réellement égale devant le marché du travail? Ça, ça n'a pas de prix.