S'cusez le retard...
Le 15 septembre 2011
Me Pierre Gagné,
Direction de l'interprétation relative aux entreprises
Direction principale des lois sur les impôts
Agence du revenu du Québec
Votre Objet: SUBVENTIONS VERSÉES AUX RESPONSABLES DE SERVICES DE GARDE EN MILIEU FAMILIAL (votre dossier : 11-012613-001)
Me Gagné,
Ayant reçu copie d'une note que vous avez rédigée, le 29 juillet dernier, et expédiée à Me René Martineau, directeur de l'interprétation relative aux entreprises, je me dois de corriger l'interprétation que vous avez exprimée dans cette note, puisqu'elle ne respecte ni l'esprit, ni les textes de lois et
règlements, ni la jurisprudence relativement à la subvention destinée aux parents, financée par le MFA et versée aux responsables de service de garde (RSG) par les Bureaux Coordonnateurs (BC).
Pour bien comprendre la nature et le but réel de ladite subvention, nous devons remonter à son origine.
C'est en 1979 que la première loi : Loi sur les services de garde à l'enfance est sanctionnée (Loi de1979). Cette loi reconnaît qu'il existe des services de garde en milieu familial, c'est-à-dire des services de garde fournis par une personne physique, contre rémunération, dans une résidence privée.
Le statut de RSG venait d'être créé...
À partir de ce moment, ladite rémunération de la RSG a été fixée, unilatéralement, par celle-ci et les parents devaient verser directement cette somme à la RSG.
Par l'adoption de cette Loi de 1979, aucune subvention n'était accordée, ni aux parents des enfants fréquentant un service de garde en milieu familial, ni aux RSG pour leurs prestations de services.
Il serait important de noter, immédiatement, que cette rémunération, telle que les lois la nommaient, et la nomment toujours en 2011, n'en est pas une, fiscalement parlant, puisqu'aucune relation employeur/employé
n'existait en 1979, et n'existe toujours pas en 2011, entre les parents et les RSG.
En 1997, la Loi sur le ministère de la Famille et de l'Enfance vient modifier la Loi de 1979 qui devient la Loi sur les centres de la petite enfance et autres services de garde à l'enfance (Loi de 1997).
Par cette nouvelle Loi de 1997, le ministère de la Famille et de l'Enfance est créé et celui-ci crée et délègue, aux centres de la petite enfance (CPE), le pouvoir d'appliquer les mesures réglementaires auxquelles doivent se soumettre les RSG.
Par ailleurs, cette Loi de 1997 introduit un tout nouveau programme de subvention, destiné exclusivement aux parents (place à 5 $), visant à couvrir une partie des sommes que les parents devaient et doivent toujours verser à la RSG, en vertu des ententes de service intervenues entre ceux-ci.
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En effet, antérieurement à cette Loi de 1997, les RSG et les parents avaient pleine autorité pour signer, entre eux, des ententes de service régissant les prestations de service des RSG, même si ces RSG détenaient ou non une reconnaissance des défuntes agences de service de garde en milieu familial.
Les RSG n'ont absolument rien gagné lors de la création de cette subvention aux parents en 1997, seuls les parents retiraient, et en retirent encore en 2011, tous les avantages.
Au contraire, dès l'application de cette nouvelle loi par les CPE, et maintenant les Bureaux Coordonnateurs (BC), les RSG se sont vues imposer une multitude de règles, de contraintes, de déboursés et de dépenses supplémentaires allant jusqu'à les porter à croire qu'elles n'étaient devenues que de simples salariées des CPE, ou des BC et portant leurs démarches jusqu'à la syndicalisation pour défendre leurs droits.
Contrairement à l'interprétation que vous donnez à la Loi des services de garde éducatifs à l'enfance (Loi LSGEE) , la subvention, ainsi créée par cette loi, n'a jamais été aux bénéfices des RSG, donc ne peut être comptabilisée comme bénéfice d'entreprise pour ces dernières, mais a été créé, uniquement, pour le bénéfice exclusif des parents. et visant à couvrir une partie des sommes que les parents devaient verser à la RSG, en vertu du contrat intervenu entre ceux-ci.
D'ailleurs, encore à ce jour, l'actuelle Loi sur les services de garde éducatifs à l'enfance a maintenu ce programme de subvention aux parents, ne faisant passer au fil des ans, que la contribution parentale de $ 5 à son Programme de contribution réduite à $ 7, tout en conservant la subvention aux parents telle qu'énoncée, clairement, aux articles 85 et suivants de cette Loi.
Il est manifeste qu'une subvention, à l'origine aux bénéfices des parents, ne peut, maintenant par magie, être comptabilisée et traitée fiscalement comme étant une subvention aux bénéfices des entreprises des RSG, tout en demeurant à l'avantage exclusif des parents.
Seule la contribution versée directement à la RSG, par les parents, peut être comptabilisée aux revenus bruts de l'entreprise individuelle de la RSG.
Le gouvernement ne peut obtenir le beurre et l'argent du beurre …
Grâce à l'introduction de ces subventions directes aux parents par la Loi de 1997, le gouvernement n'avait plus, pas plus qu'en 2011, à verser à ces derniers, le Crédit d'impôt de frais de garde d'enfants (jusqu'à 75 %) qu'il devait verser avant l'instauration de cette subvention aux parents en 1997.
Ce crédit d'impôt représente, dans tous les cas, une somme inférieure au montant de subventions que les parents subventionnés n'ont plus à verser aux RSG, voilà le beurre …
Maintenant pour l'argent du beurre, selon votre interprétation du 29 juillet dernier, la somme versée, directement par le BC, aux RSG en place et lieu des parents, somme inférieure que ces mêmes parents n'ont plus à payer aux RSG et somme d'autant plus inférieure que ces mêmes RSG ont, depuis l'instauration de ces subventions aux parents, des charges de travail plus lourdes, des dépenses plus élevées et de multiples contraintes imposées tantôt par les CPE, tantôt par les BC. tantôt par le MFA.
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La seule conclusion que les RSG peuvent en tirer, comme le faisait remarquer, à juste titre, Mme la Juge Grenier, dans son jugement d'octobre 2008, c'est que ces dernières subventionnent, carrément, le
système de garderie en milieu familial administré par les BC au Québec.
De plus, en se référant à la jurisprudence concernant la comptabilisation et le traitement fiscal des subventions, la Cour canadienne de l'impôt, que vous avez citée, dans Gérard Hall c.Ministre du Revenu national, à la page 1430, reproduite en partie ci-bas, même si ce cas en l'espèce, ne s'applique
pas du tout à la subvention destinée aux parents, stipule très clairement, en conclusion, que la question de savoir si la subvention est imposable ou non est cependant déterminée par le but de la subvention qui découle de la loi en vertu de laquelle elle est accordée.
"C'est le but de la subvention qui est le facteur le plus important pour déterminer si cette subvention est reçue au titre de compte de capital ou de recettes. Une subvention visant à aider le fonctionnement d'une entreprise est reçue au titre de recettes; une subvention visant à créer ou à étendre la structure d'une entreprise est reçue au titre de compte de capital dans les affaires Nuclear Enterprises Ltd. Et Radio Engineering Products Ltd., précitées, les subventions ont été accordées aux fins de l'exploitation de l'entreprise des contribuables. Dans l'arrêt Seaham Dock
Co., le but de la subvention était de favoriser l'emploi et
non d'augmenter les recettes de la contribuable. Dans l'affaire St. John Dry Dock, précitée, une subvention a été versée aux fins de la construction d'un bassin de radoub,qui est une immobilisation, et non pour augmenter le revenu de la contribuable. Il est bien évident qu'une subvention
reçue aux fins de compte de capital peut modifier le revenu subséquent du bénéficiaire lorsque celui-ci utilise par la suite les recettes de capital pour en tirer un revenu, par exemple, le contribuable peut utiliser un bassin de radoub, une fois construit, pour les fins de son entreprise. La question de savoir si la subvention est imposable ou non est cependant déterminée par le but de la subvention qui découle de la loi en vertu de laquelle elle est accordée.
(Nous soulignons.)"
Le but, justement, de cette Loi de 1997 était simplement de subventionner les parents pour qu'ils n'aient plus à débourser qu'une somme de $ 5 (maintenant $ 7) aux RSG pour le service de garderie de leur enfant en milieu familial. En aucun temps, le but de cette subvention était pour aider le fonctionnement des garderies en milieu familial.
Au contraire, à partir de l'instauration de cette subvention aux parents, la situation financière des RSG n'a cessé de décliner entraînant par le fait même une détérioration de la qualité des services offerts.
Il est de plus en plus manifeste que l'agenda caché du gouvernement est la disparition pure et simple de toutes les garderies en milieu familial au Québec, dès que ses moyens financiers le permettront.
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Ce que le gouvernement en a fait, de cette Loi de 1997, au fil des années et de ses multiples amendements, s'avèrent tout simplement un moyen d'utiliser les RSG pour financer les services de garde au Québec.
Afin d'illustrer jusqu'à quel point, la subvention créée par la Loi de 1997, est destinée aux parents, au détriment des RSG, analysons les deux scénarios suivants.
Notre premier scénario est le statu quo en 1997, c'est-à-dire que la Loi de 1997 n'aurait jamais été adoptée. Avec ce scénario qui serait pénalisé, les parents ou les RSG ?
Évidemment, ce sont les parents qui seraient privées de leur subvention et devrait payer de leurs poches 100% des sommes à verser aux RSG pour leur service de garde. Les RSG, au contraire, seraient favorisées puisqu'elles pourraient toujours fixer elles-mêmes les sommes demandées aux parents, pour leur service de garde, sans aucune contrainte extérieure, les forçant à subir une multitude de restrictions sur les sommes demandées aux parents, les heures d'ouverture, les programmes éducatifs, les fournitures, les aménagements nécessaires et toute une suite de contraintes de toute nature.
Notre deuxième scénario est le retrait volontaire, du service de garde de la RSG, de cette nouvelle loi de 1997, c'est-à-dire que la RSG conserve son statut de service de garde non-subventionné aux parents.
Encore une fois, dans ce scénario, ce sont les parents qui seraient privés de leur subvention et la RSG ne s'en porterait que mieux, conservant son autonomie entière concernant les prestations de son service de garde sans aucune des contraintes énumérées dans notre premier scénario.
Le seul et unique but de cette subvention, découlant de la Loi de 1997, en vertu de laquelle elle est accordée, est d'aider les parents à défrayer les services de garde de leurs enfants et n'aide d'aucune façon, ni la RSG, à titre de contribuable, ni à titre de propriétaire de son entreprise individuelle.
En nous reportant à la jurisprudence Hall, reproduite ci-haut, les deux scénarios, décrits ci-haut, doivent s'interpréter de la façon suivante : «c'est le but de la subvention qui est le facteur le plus important pour déterminer si cette subvention est reçue à titre de recettes».
Il est manifeste que cette subvention, destinée aux parents, par la Loi de 1997 et tous ses amendements, n'est pas une subvention pour aider au fonctionnement du service de garde des RSG, et ne peut être traitée fiscalement comme étant des recettes, au contraire, cette subvention aux parents n'a apporté que dépenses additionnelles et inconvénients aux RSG.
Cette conclusion demeure toujours valide même en 2011, puisque la reconnaissance d'un service de garde, par un BC, n'est toujours pas requise pour qu'une RSG puisse fournir, à des parents, des services
de garde en milieu familial, toutefois, dans ce scénario, le parent ne peut bénéficier de la subvention prévue tant à la Loi de 1997 qu'à la Loi 51 de 2009.
Pour ce qui est de la RSG, elle doit toujours subir les mêmes contraintes et les mêmes baisses de sommes totales reçues qu'à l'origine de cette Loi de 1997.
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Même la nouvelle Loi 51 de 2009, qui n'est qu'un tissu de bonnes intentions, pour contrer le Jugement Grenier de 2008 invalidant la Loi 8 de 2003, et tentant de fixer le calcul du financement toujours de cette même subvention destinées aux parents, mais cette fois versée directement aux RSG, n'octroie strictement rien de plus aux RSG malgré sa façade.
Cette Loi 51 de 2009 fut passée à la hâte par le gouvernement Charest, pour combler le vide juridique créé le 31 octobre 2008, par le Jugement Grenier, invalidant cette Loi 8 de 2003, laquelle avait été adoptée à la hâte et sous bâillon pour contrer les mouvements de syndicalisation initiées par les RSG.
Par cette Loi 51 de 2009, le processus de syndication des RSG est maintenant reconnue, à titre de travailleurs autonomes opérant leur entreprise individuelle, et non à titre de salariée des CPE, tel que
les RSG avaient demandé initialement pour tenter d'améliorer leur sort.
Cependant, encore une fois, des règles strictes, établies unilatéralement par le gouvernement, en vue de la négociation et de la signature de cette première entente collective des RSG, toujours dans le même cadrage juridique de la loi de 1997, maintenant abrogée, ne change nullement cette même subvention de base aux parents.
De plus, l'établissement des principes du financement de cette même subvention, toujours destinée aux parents, et toujours au détriment des RSG, sont explicités mais en introduisant, insidieusement, des
équivalences de salaires aux éducatrices en installation et décrivant, maintenant, la subvention comme une subvention directe aux RSG.
Nous nous retrouvons, donc, maintenant avec deux subventions différentes, supposément, pour le même montant impliqué. La subvention destinée, originalement, aux parents et la subvention prétendument versée aux RSG pour leur service de garde, par les BC.
Par cette nouvelle Loi 51 de 2009, les RSG doivent payer, maintenant, à même les sommes reçues des BC, leurs jours fériés, leurs vacances annuelles, leurs congés-maladie, leurs sessions de formation et de
perfectionnement, les cotisations de toutes natures que le BC devrait normalement payer pour les RSG, en plus, évidemment, de toutes les dépenses d'opérations et d'administration de leur service de garde,
sans oublier une compensation pour les soixante-et-deux heures hebdomadaires de prestations.
Une simple démonstration des supposés calculs « d'équivalence de salaire » des RSG, basées sur les salaires moyens actuels des éducatrices en CPE, nous fait voir l'irréalisme d'un tel financement.
Heures de prestations minimum hebdomadaires du Service de garde : 50 h
Heures hebdomadaires additionnelles moyennes hors prestations : 12 h
Heures totales hebdo (reconnues par le Jugement Grenier de 2008) : 62 h
Salaire hebdo(taux horaire moyen des éducatrices diplômées en CPE $18.88/h) : $ 1,170.56
Équivalence de salaire annuel (incluant jours fériés et vacances) : $ 60,869
Somme hedbomadaire versée aux RSG par les BC pour une charge complète (incluant jours fériés et vacances :
$ 20.15 + $ 1.94= $ 22.09 x5jours x6 enfants) : $ 662.70
Somme annuelle versée par les BC
(237 jours de prestations/ 5 jours x $662.70) : $ 31,412
Manque à gagner annuel pour atteindre seulement
les équivalences-salaires des éducatrices en CPE : $ 29,457
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Même en ajoutant à ce manque à gagner, les sommes versées aux RSG, (contributions) directement par les parents, pour une charge complète (237 jours + 24 j) x 6 enfantsx $7 : $ 10,962
Nous obtenons, toujours,
==> Un manque à gagner total pour atteindre seulement les
équivalences-salaires des éducatrices en CPE : $ 18,495
Malgré ce manque à gagner, au chapitre des équivalences-salaire seulement, aucune dépense d'opérations, ni d'administration, lesquelles se chiffrent en moyenne à environ $ 25,000 n'ont encore été couvertes par le total des contributions des parents et les sommes versées par le BC, pas plus que les frais de formation continue et de perfectionnement en matière éducative, sécurité, bien-être pour les enfants et autres frais que nous évaluons à au moins $ 2,000 annuellement.
Inversons, maintenant, les calculs afin de déterminer quel serait le solde maximum annuel des sommes versées aux RSG, par les BC, après soustraction des dépenses moyennes encourues, annuellement, pour
que les RSG soient en mesure de fournir les services de garde en milieu familial exigés par les BC :
Somme annuelle versée par les BC
(237 jours de prestations/ 5 jours x $662.70) : $ 31,412
Dépenses annuelles moyennes encourues pour les services
de garde excluant les sommes reliées à la main d'oeuvre : $ 27,000
Bénéfices nets maximum imposables d'un service de garde,
provenant des sommes versées par les BC : $ 4,412
En conclusion, même si les sommes versées aux RSG, par les BC pouvaient être considérées comme étant des sommes à inclure dans le calcul des bénéfices nets des entreprises individuelles des RSG, le
seul montant admissible ne serait que de l'ordre de $ 4,400.
Toutefois, nous réitérons, qu'en s'appuyant tant sur l'historique de la création des services de garde, que des subventions directes aux parents initialement de $ 5, des programmes de contribution réduite de $7,
des lois et règlements qui en ont découlé, que sur la jurisprudence citée, les sommes versées par les BC, aux RSG, appelées tantôt rémunérations, tantôt subventions, ne peuvent en aucune façon être comptabilisées, ni traitées fiscalement, comme étant des revenus bruts pour le compte des entreprises individuelles des RSG et, encore moins, des bénéfices nets de ces mêmes entreprises.
En espérant notre position claire, nous demeurons à votre disposition pour tout complément d'information.
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Gérald Mongeau
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